Rose-Marie Lagrave
Ces trois mots n’ont l’air de rien, mais ils tintinnabulent dans le monde entier. Par leur détermination, leurs chants à arracher le cœur, les Iraniennes redonnent au 8 mars ses lettres de noblesse pour continuer une lutte sans fin, sans merci, sans frontières.
Femmes arrachant leurs voiles, se coupant une mèche de cheveux, dansant sur les places publiques échevelées, femmes emprisonnées et torturées, toutes attestent qu’il ne fait pas beau être une femme, et plus encore quand on nait noire, que l’on est lesbienne, transgenre, âgée, vivant parmi les gens de peu et dans un pays théocratique. Ces femmes stigmatisées mais mobilisées, ces Afghanes invisibilisées et silencisées, secouent nos privilèges. N’en déplaise à celles et ceux qui font dans la nuance, il y a bien un « nous les femmes ». Dans nos pays dits démocratiques, les rues continuent d’être des lieux d’arraisonnement des femmes, quand le vote de lois en faveur de l’égalité femmes/hommes reste lettre morte. Existe un continuum de la violence patriarcale, du domestique au public, de pays à pays, alors que persiste le droit de tuer les filles pour cause de déshonneur des familles.
Car la Vie pour les femmes n’est jamais totalement assurée. Le cortège des féminicides, les viols restés impunis et ceux érigés en armes de guerre, la vie sous cloche des Afghanes, les enlèvements d’adolescentes dans certains pays de l’Afrique subsaharienne, les exilées dormant dans la rue nous rappellent que la vie des femmes est soumise à une violence patriarcale et politique qui franchit allègrement les frontières. D’un côté, elles donnent la vie, de l’autre elles sont des mortes en puissance. La vie, pour beaucoup, c’est rester d’abord vivantes, mais aussi refuser de l’engendrer. Les réfractaires à donner la vie sont criminalisées, quand la vie excède le pouvoir de donner la vie. Elle exulte, elle s’exhale dans des désirs mis sous le boisseau ou jaillit de corps redressés pour devenir de fulgurantes et glorieuses combattivités dessinant des chemins vers la liberté.
Liberté, je n’écris plus seulement ton nom, je combats pour elle, je meurs pour elle ; tel est le message qui fleurit sur toutes les lèvres. Liberté d’envoyer son voile par-dessus les moulins ou de s’en parer, liberté d’expression pour inventer poèmes et slogans subversifs, liberté de manifester sans peur au ventre face aux États policiers. Ces poussières de liberté cumulées construisent les femmes en sujets politiques, en tête des manifestations, fortes et puissantes, ne lâchant pas la main des plus démunies, faisant corps avec elles. Ces femmes, luttant pour le renversement des régimes autocratiques en Iran et ailleurs, cisellent une statue de la Liberté aux mille bras désignant à la vindicte les violences étatiques. La liberté en étendard, ces femmes de tous pays et de toutes couleurs écrivent une pluralité de phrases culturelles enrichissant un féministe universaliste désindexé de sa matrice occidentale. Oui, « Femme, Vie, Liberté » est notre passeport, notre radicalité, notre destin commun. « Debout, debout les femmes ! », le chant du MLF reprend du service. Et si une nouvelle internationale devait poindre son nez, elle sera féministe ou pas ; on l’entend, on l’attend.
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