Second témoignage des violences policières. Presque 24 heures de Garde à vue pour des étudiants contre à la réforme injuste des retraites.
Je vais tout d'abord vous restituer mon parcours de GAV, pour que vous sachiez où j'étais et à quel moment, afin que vous puissiez croiser mon récit avec celui d'autres personnes et ainsi avoir une vue d'ampleur de toute cette histoire. Nous avons d'abord toustes été amenées au comico de la Plaine. Là, les personnes sous X ont été placées sur un banc pendant plusieurs heures. De mon côté, j'ai patienté dans le hall par terre, avant d'avoir été enfermé dans une cellule où nous sommes rapidement passé de 3 à15 voire 16. Plusieurs heures après, j'ai été placé dans une cellule au moins trois fois plus spacieuse avec peut-être 7 camarades. Ensuite, nous avons été déplacés dans une cellule à trois, puis dans une autre cellule à 6, puis je suis resté dans la même cellule avec 1 camarade que je nommerai Hugo. Vers 7h, nous avons ensuite été tous les deux déplacés à la Courneuve après avoir fait le trajet jusqu'à Stains où trois de nos camarades ont été déplacés. Une fois à la Courneuve, nous avons été mis, Hugo et moi, dans deux cellules différentes. Je me suis alors retrouvé avec un autre gardé à vue. Nous avons ensuite été déplacés à Aubervilliers sur les coups de 10h, commissariat où je suis resté jusque vers 19h, heure de la libération. Je fus le dernier du groupe à sortir. Concernant les conditions de GAV elles-mêmes, je ne pense pas avoir tellement de choses à dire de plus que mes camarades concernant les violences physiques que je n'ai pas subi à la première personne. Mec blanc cis, je n'ai pas eu à souffrir des violences systémiques existant partout dans la société mais accentuées à la parodie au commissariat : regroupement genré entre hommes et femmes, sûrement fait au faciès ; sexisme se manifestant entre autres choses dans les menaces de viol ; racisme, etc. Il existe toutefois des choses moins spectaculaires que les violences physiques que nous avons toustes expérimenté avec plus ou moins d'intensité et qui sont, je parierais gros là-dessus, ressenties par nombre de gardé.es à vue de manière générale. Premièrement, ces 22h passées en GAV étaient 22h de fatigue. D'autant plus que nous étions souvent réveillé.es par des bruits venus de l'extérieur des cellules, et qu'à différents intervalles, l'un.e d'entre nous était appelé pour signer telle ou telle feuille, être déplacé dans telle ou telle cellule. Je n'ai pas dormi pendant toute cette période.D'autant plus que nous n'avions pas un matelas par personne à la Plaine, et qu'on ne nous en donnais pas forcément quand on demandait. C'était assez aléatoire. De toute façon, les flics ne venaient pas forcément quand on les appelait. A la Courneuve, si on veut un petit-déjeuner (2 Lu et 1 brique de jus d'orange, qu'on ne m'a même pas laissé boire quand on m'a déplacé à Aubervilliers), il faut jeter son matelas et sa couverture à la poubelle. Dans ce même commissariat, le sol était poussiéreux et la ventilation très bruyante. La lumière, aussi, y était forte. Deuxièmement, on est maintenu dans l'ignorance et l'incertitude. A chaque fois qu'un.e camarade rentrait dans la cellule après une audition ou après avoir été aux toilettes, par exemple, iel revenait avec de nouvelles informations. Or, chaque information contredisait une information précédente, ou était contredite par une information suivante. Par exemple, un.e camarade est revenue en disant qu'iel avait entendu un policier au téléphone avec l'avocate, laquelle lui aurait dit « oui j'arrive ». Plus tard, on a appris qu'elle n'a même pas été mise au courant. Autre exemple, certains flics disaient qu'on allait sortir vers 20h30 le mardi, d'autres vers 20h30 le mercredi. On recevait en permanence des informations contradictoires, et les prises sur lesquelles on faisait reposer nos espérances s'évaporaient à chaque fois. Quelque chose que j'ai ressenti concernant spécialement notre GAV, c'était le temps qui s'allongeait à mesure que le temps passait. Vers 20h30 le lundi soir, plusieurs d'entre nous pensaient qu'on allait repartir vers minuit. Ensuite, certain.es disaient que, comme l'avocate est au courant, on allait sortir en fin de matinée ou au pire en début d'après-midi. En ce qui me concerne, j'avais encore espoir de sortir dans la nuit ou en début de matinée. Puis, on pensait sortir vers 20h30 le mardi, après 24h de GAV. Et vers la fin, on pensait prendre 48h. Plus la GAV passait, plus le temps à passer dans nos cellules s'allongeait. Autre chose pour montrer le sentiment d'incertitude : notre sortie dépend des même personnes qui nous ont enfermé. Comment leur faire confiance ? Qui viendra nous sauver au fond de la cellulesi ce ne sont
les flics ? Selon leur bon vouloir, iels peuvent nous garder là plus longtemps et faire ce que bon leur semble de nous sans que l'on puisse leur opposer quoique ce soit. L'incertitude se couple là avec le sentiment d'impuissance. Troisièmement, l'ennui et la solitude. Heureusement, je n'ai pas eu à me retrouver dans une cellule seul. Cette perspective me hantait, et après en avoir parlé avec des camarades, c'est une idée qui les pesait aussi fortement. Et malgré le fait que nous soyons plusieurs par cellule,on s'ennuie, le temps ne passe pas, on n'arrive pas à le tuer. Mais ceci est encore un moindre mal. Quatrièmement, le stress.Tout ce que j'ai décris précédemment y participe. Etre témoin de violences physiques, entendre des cris aussi. Etant myope et n'ayant pas le droit de porter mes lunettes, ce sentiment est encore plus accentué car tu n'y vois rien du tout à moins de quelques centimètres. D'autant plus que j'ai des problèmes d'audition et que je dois un peu lire sur les lèvres pour bien comprendre ce que disaient mes camarades. C'est une sorte de triple claustrophobie. Les flics ont, à mes yeux fait pas mal de choses illégales. Je ne connais rien en droit,mais je ne peux qu'attirer votre attention sur des pratiques pour le moins douteuses. Premièrement, les moqueries, insultes et menaces. Un camarade surnommé « Côtelettes » car il avait les côtes cassées ; un camarade traité de « tapette » selon d'autres camarades ; menaces de viol et de mort sur d'autres camarades encore. Quand je suis rentré dans le kamtar censé nous emmener à Stains et à la Courneuve, un flic a dit en rentrant dans le véhicule « si y en a un qui bouge, j'le gaze ». Un autre a dit à mon propos que « si ç'avait été mon neveu j'laurais marave ». Deuxièmement, la prise de photo. Dans le bâtiment en bois dans lequel les flics sont intervenus, iels ont tout d'abord éteint leurs caméras, et nous ont pris en photo sur leurs téléphones portables. Un flic a d'ailleurs pris ma carte d'identité en photo. Plusieurs camarades se sont alors insurgé. Un flic leur a répondu qu'il n'y avait pas le droit de diffuser, mais qu'il n'était pas interdit de prendre en photo ou en vidéo. Si c'est vrai, c'est clairement du foutage de gueule. D'autres camarades plus calés ont repéré plusieurs autres vices de procédure comme usage de faux PV par exemple,ou encore que la prise d'empreinte forcée – normalement autorisée après l'ordre du magistrat – n'a pas reçu l'aval de ce dernier. Pour d'autres informations concernant ces vices de procédure, veuillez vous adresser à elleux car je n'ai pas beaucoup plus d'infos et de capacité à interpréter légalement tout ce qui s'est passé. Mais je peux vous décrire les violences physiques dont j'ai été témoin ou que j'ai vécu, et qui sont à mes yeux illégales. A propos des violences physiques, les seules choses que j'ai subies et que je peux qualifier d'un tel nom concernent deux moments. A la Courneuve, un flic particulièrement con m'a mis les menottes à l'envers et m'a poussé contre le mur pour me les mettre alors que je ne bougeais même pas. Il s'est aussi servi de mon corps pour pousser une porte. Hugo a demandé à la policère qui lui avait mis les menottes de les desserrer. Le flic con a alors dit « roooololo ça te fera les pieds ». Il y avait aussi et surtout le moment où nous étions enfermés à 15 ou 16 dans une cellule de 4m2 au commissariat de la Plaine pendant deux heures à mon avis. Nous n'avions pas de ventilation et la seule trappe qui pouvait faire rentrer de l'air (qui mesurait, par ailleurs, pas plus de 30cm2) était systématiquement refermée quand quelqu'un essayait de l'ouvrir. Il y faisait si chaud que toutes les personnes dans le hall du commissariat étaient en manteau, tandis que j'étais en t-shirt et que plusieurs parmi nous étaient torse-nu. Les murs étaient littéralement liquides tellement on transpirait. Je glissais dessus. A chaque fois qu'un policier passait la tête par la porte pour une quelconque raison,il faisait une grimace en gonflant les joues et ouvrant grand les yeux,l'air de dire qu'il fait trop chaud et/ou que ça pue la sueur. L'un d'entre eux dit « wah c'est un vrai hamam ici ! ». Très drôle... Parmi nous, un camarade, qui avait été blessé aux côtes et à la tête par plusieurs policier.es lors de l'interpellation (vous pourrez peut-être lui demander plus de détails) était vraiment en train de souffrir et un médecin (qui doit normalement être prévenu 3h après la GAV) est venu seulement 5h après pour recevoir... un doliprane. D'ailleurs, les policer.es, quand iels parlaient entre elleux, appelaient ce camarade « Côtelette ». Quel humour décapant... A chaque fois qu'un policier paraissait, on demandait pour pisser, boire, avoir de l'air, être répartis dans d'autres cellules, surtout pour notre camarade blessé. Un camarade a dit à l'un des flics qui venait qu'il était illégal de nous mettre dans de telles conditions. Ce dernier a alors regardé vers le bas, soupiré, tordu la bouche, regardé dans le coin du bas à gauche, a relevé la tête vers un de ses collègues, puis nous a regardé, la bouche toujours tordue, avant de fermer la porte. A-t-il reconnu par ces mouvements qu'ils ont effectivement agi dans l'illégalité ? C'est seulement à partir d'un moment où, à l'initiative d'un camarade, nous avons tous tapé contre la porte pour leur redemander ces services minimums que nous avons enfin pu y accéder. C'est alors qu'on s'est alors aperçu qu'il y avait au moins 7 ou 8 autres cellules vides dans lesquelles on aurait pu être placé. Tout cela visait juste à nous nuire, à nous affaiblir psychologiquement et physiquement. Mais peut-être que les flics obéissaient juste aux ordres venus d'en haut, appliquaient la procédure ''normale'' ? Soit dit en passant, il y a bien un moment, plus tard dans la nuit, quand on avait déjà été réparti dans des cellules, où les flics se sont concerté.es pour nous répartir encore dans de nouvelles cellules. A ce moment là, iels ont plutôt bien fait leur travail je trouve, et sans attendre les ordres des supérieurs. Comme quoi, la hiérarchie est toujours un problème... Vive l'anarchie !
Mais j'ai été témoin de violences physiques bien plus vénères. Pendant qu'on était une quinzaine dans la cellule de la Plaine, un policier dit qu'il n'avait pas pris l'un de nos camarades en photo. Notre camarade leur fait alors volte face dans l'embrasure de la cellule. Le policier lui crie alors de se retourner et l'étrangle par derrière avec l'intérieur de son coude. Le camarade se retient à la porte et plusieurs camarades essaient de le retenir. Il est alors violemment tiré par le t-shirt par un autre flic. Là, ils n'étaient plus dans mon champ de vision, mais d'après d'autres camarades, ils se seraient jetés à 4 ou 5 sur lui, l'auraient plaqué au sol et l'auraient quand même pris en photo. Je me souviens du moment où il a été tiré par le t-shirt et sorti de la cellule par la même occasion, un camarade a crié que c'était dégueulasse ou quelque chose comme ça et un flic était alors accouru dans l'embrasure de la porte en criant « qu'est-ce qu'il y a ??? Vas-y viens !!! ». Il y avait une telle solidarité parmi les flics pour commettre leurs actes horribles... Au comico d'Aubervilliers, alors que j'étais déplacé pour une audition, j'entendais crier une camarade pendant sa prise d'empreintes. Si j'ai bien compris ce que disaient les camarades, elle aurait été torturée au taser, ainsi que prise en photo et vidéo, et bien évidemment moquée. Et le flic qui me conduisait de dire « ah les femmes, toujours les pires ! » Sale connard. Quelques heures après, alors que j'étais en cellule, un camarade a été attrapé par les quatre membres pour la signalétique aussi. Dans la pièce plus loin, on l'entendait crier. A son retour, il dira s'être fait tirer les cheveux, frapper la tête, maîtrisé par des clefs de bras et de poignet. Il s'est aussi pris des moqueries et a été filmé et pris en photo.
GAV
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