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« Flics harceleurs »

Troisième témoignage des violences policières. Presque 24 heures de Garde à vue pour des étudiants contre à la réforme injuste des retraites.

J’ai la vingtaine, je suis un homme blanc cis-genre, hétérosexuel, j’étudie et c’était ma première expérience de garde-à-vue. Incarner cette répression ne fait que confirmer ce que je savais déjà : l’institution policière républicaine, organe coercitif de l’Etat français, ne protège pas sa population, mais elle la violente pour discipliner les esprits et les corps et ainsi mieux la contrôler. Pour ce faire elle fonctionne sur un modèle violent de négation de l’altérité de ceux qu’elle arrête, en refusant de les considérer comme des humains sensibles. J’ai pu constater, dans deux commissariats dans le Nord de la région parisienne et auprès d’un échantillon d’une quarantaine de policiers, que ses agents ne respectent pas les droits fondamentaux, par exemple le droit à la dignité. On m’a insulté pendant ma garde-à-vue (ex : « gauchiste de merde », « écolo mes couilles », « connard », « abruti », « con », « enculé », « ta gueule ») et j’ai subi et assisté à des humiliations, des intimidations verbales ou physiques sur moi ou mes camarades (ex: "Tu vas aller à Fleury Mérogis si tu gardes le silence ou que tu ne donnes pas tes empreintes", "Assieds-toi ! tu veux que je te mette à genoux ? ", "Tu veux un avocat ? Ok mais donne tes empreintes d'abord", "Tu veux boire et aller aux toilettes ? T'as cru on était à l'hôtel ?", "Tu demandes si le repas contient des allergènes ? Tu te fous de ma gueule ? " ). J’ai vu des policiers molester et étrangler des camarades. On m’a reproché de garder le silence, alors que c’est mon droit. J’ai constaté la faillite de ce service public (ex : manque de places, cellules pas nettoyées, commissariats avec des lambeaux aux murs). Le traitement réservé aux gardé.es à vue est carcéral. Dans la cellule pas d’horloge. Pas de point d’eau. Aucune possibilité de se divertir. Pas de contacts avec l’extérieur, excepté pour voir un médecin ou son avocat et sous certaines conditions. L’attente parait interminable. Elle ne dure que 22h pourtant. Imaginer devoir passer une nouvelle nuit et un jour de plus dans le commissariat est un supplice. On me met dans différentes cellules, de 4m sur 2m, à deux, à quatre ou à sept. J’en ai vu d’autres entassés à quinze ou seize. On est recroquevillé sur un banc en béton ou en bois. Dès fois, à trois sur le banc, on s’allonge les uns sur les autres pour détendre nos jambes et grappiller quelques minutes de repos. Le contact des corps rassure, même si la scène est pathétique. Quand il y a des urinoirs, ça pue la pisse, mais au moins on peut faire nos besoins. Quand on arrive à trouver le sommeil, malgré l’inconfort, le froid ou la chaleur, une tête apparaît au hublot de la porte et on vient nous sortir de notre torpeur pour être harcelé au sujet de nos empreintes ou bien auditionné, dans un état somnolent et complètement confus. Dans mon cas, l’absence de l’avocat de la legal team me pousse à demander un commis d’office. Je veux comprendre ce que j’encoure. D’abord il me rassure, mais me convint plus tard de donner mes empreintes, car selon lui je peux prendre du sursis et une amende. A l’écouter, le jeu n’en vaut pas la chandelle puisque j’ai déjà donné mon petit état civil lors de l’interpellation. Je garde le silence lors de l’audition. Je refuse de donner l’accès à mon téléphone – c’est un délit –, mais j’accepte la signalétique. Tout cela matérialise bien comment l’institution policière fait pression sur les corps et sur le psychisme des gens pour obtenir des aveux ou soutirer quelconques informations sur des personnes affaiblies, apeurées par les conditions de détention et qui ignorent ou ont une connaissance très limitée de la loi. Quand on nous libère, la solidarité des camarades gardé.es à vue ou mobilisé.es est réconfortante et thérapeutique. Après la colère, je ressens la joie de ne pas avoir complètement cédé, de me sentir à nouveau libre et en sécurité loin des forces de l’ordre. J’ai l’impression d’avoir été traité comme un criminel, pourtant on m’a seulement interpellé pour « dégradation » (deux caméras) et « dissimulation du visage » (un bonnet et un masque FFP2). Il est évident que cette répression est d’abord politique. Enfin, je me considère comme « privilégié » face aux autres traitements qu’ont subi mes camarades et que subissent quotidiennement des personnes LGBTQIA+, des femmes, des racisé.es, des pauvres, des sans-papiers, des dissidents politiques etc…

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